Autolib’ : “l’enfer, c’est les autres”

« Nous avons 6 300 places, pour 10 000 véhicules qui les occupent (…) S’il n’y avait que nos 4 000 voitures, le revenu généré par abonné serait bien supérieur », aurait soupiré le directeur général commerce de Blue Solutions auprès de nos confrères de L’argus.  Si l’on traduit en termes moins feutrés les propos de Serge Amabile, la non-rentabilité actuelle du service francilien Autolib’ et ses catastrophiques perspectives financières sont le fait des propriétaires de voitures électriques qui viennent charger leurs véhicules sur les bornes « tiers ». De quoi faire bondir ceux qui leur ont vendu lesdits véhicules ?

La rédaction du Mobiliste a sollicité les services presse des principaux constructeurs automobiles impliqués dans l’électromobilité en France. Renault n’a pas souhaité réagir à l’attaque en règle du dirigeant de l’une des filiales de son partenaire, le groupe Bolloré. Même son de cloche chez Nissan, où l’on se borne (désolé…) à rappeler l’engagement du japonais de l’Alliance dans la constitution d’un réseau de recharge rapide accessible à tous, via des partenariats avec les enseignes Auchan et Ikea. Comme il nous a semblé qu’aucune des deux n’était présente à Paris intra-muros au format hypermarché, nous nous sommes fait préciser les choses : il y a bien 3 bornes de recharge rapide installées dans Paris par Nissan, l’une à la station BP près du pont du Garigliano, boulevard Victor, les deux autres sur le boulevard périphérique. C’est toujours mieux que rien…

Chez Hyundai, on avance à pas de loup dans le monde de l’automobile électrique, donc pas de polémique, passez votre chemin. Tout au plus communique-t-on en ce moment sur la possibilité d’installer des bornes de recharge domestiques avec le concours de la société Proxiserve. Rien d’inédit à cela, Nissan et Audi le font depuis plus de trois ans…

Parmi les principaux pourvoyeurs de voitures électriques sur le marché français restait la marque à l’Hélice avec sa citadine au design incomparable, i3. Le directeur de la communication de BMW Group France s’interroge dans un premier temps sur la pertinence de l’argument avancé par le représentant du groupe Bolloré. « On est en droit d’imaginer que la question a dû être anticipée par les parties prenantes lors de la signature de la convention, dans le cadre de la délégation de service public », commente Jean-Michel Juchet. Lequel juge regrettable la perspective que certaines stations de la petite couronne puissent être fermées, au détriment de la mobilité électrique en périphérie de la capitale.

A l’instar de Daimler avec Car2go, BMW a aussi son service d’autopartage, déployé dans de nombreuses villes d’Europe à parts égales dans le capital avec le loueur Sixt. DriveNow a-t-il vocation à être déployé à Paris, après Munich, Berlin, Londres, Vienne ou encore Bruxelles ? L’autopartage de BMW doit-il être vu comme une menace pour Autolib’, au même titre que le seraient, depuis leur succès, les VTC ? « Absolument pas, bien au contraire », avance Jean-Michel Juchet. Selon une étude interne au groupe BMW, l’arrivée dans une ville d’un nouveau service d’autopartage ne fait « qu’élargir la cible et s’inscrit dans une pleine complémentarité avec les services déjà existants ». Le directeur de la communication des marques BMW en France se veut enthousiaste : « DriveNow est sur la pente ascendante, avec déjà plus de 820 000 usagers et le million ne devrait pas tarder à être dépassé. »

Il insiste enfin sur deux différences notables avec Autolib’ : DriveNow est une offre en free-floating (on laisse le véhicule où l’on veut dans une zone déterminée, pas besoin de le garer à un endroit précis, comme une station) et ne coûte rien aux contribuables des villes où il existe. « Nous avons étudié bien en amont toute la faisabilité et le retour sur investissements ville par ville. » On est loin des 179 millions d’euros de déficit que le consortium Autolib’ prévoit d’afficher en 2023, dont 119 millions à la charge des collectivités…

En écoutant récemment Annette Winkler, la patronne de Smart, expliquer à la presse que l’autopartage en 2015 a rassemblé 8 millions d’usagers dans le monde et que ce chiffre pourrait être multiplié par six à l’horizon 2023, une idée nous est venue : DriveNow et Car2go pourraient donner quelques conseils à Autolib’ (voire à Blue Solutions et au groupe Bolloré) en termes de gestion. Car, il se pourrait bien qu’à l’autopartage s’applique le même adage qu’au football : à la fin, ce sont les allemands qui gagnent !